11 janvier 2011

Michel Fugain découvre la Corrida

Dans son livre Michel Fugain décrit le moment où il a découvert la corrida à la Féria de Nîmes.

"Ce voyage-là, m'a donné l'occasion de voir ma première corrida. Barjol et ses copains aficionados m'en ont expliqué l'histoire, la mythologie, la signification de chaque geste, chaque mouvement du torero. Ils me commentaient le moindre détail du drame qui se jouait dans l'arène et j'ai été envahi par l'émotion. N'étant pas porté à l'anthropomorphisme, je n'ai vu dans ces taureaux, ces toros bravos, que des fauves qui combattaient cat c'étaient dans leur nature de combattre et j'ai aimé le respect de leurs adversaires face au courage de l'animal. J'ai vu ces hommes en costume coloré décoré de broderies et de paillettes inquiets lorsque, jaillissant du toril, le monstre se lançait à pleine vitesse, ou verts de peur lorsqu'il s'abîmait une corne en attaquant les burladeros. On m'expliqua qu'avec une corne endommagée, le taureau devient imprévisible et qu'alors, chargeant de travers, il peut, à chaque passe, accrocher le torero. J'avais l'impression que tout cela touchait à l'essentiel de l'humanité. La vie et la mort. L'ombre et la lumière. L'Homme et ses démons. Dans ces arènes antiques et majestueuses, j'étais au coeur de l'éternité.
J'ai vu aussi un taureau, estoqué dans les règles de l'art par Pablo Camino, ne pas s'écrouler et retourner doucement mourir à la barrière dans un silence de plomb. Le temps s'est arrêté quelques secondes. La terre a cessé de tourner. Les peones et toute la cuadrilla de ce fabuleux matador se sont rangés en bon ordre derrière lui et ont accompagné le guerrier vaincu en se découvrant. Moi, je pleurais."

Le Taureau de Picasso

... "L'opération a duré quinze jours. Le 5 décembre 1945, un mois après son arrivée rue de Chabrol, Picasso a dessiné au lavis un taureau. Un taureau magnifique, très bien fait, gentil même. Et puis on lui a donné l'épreuve; nous en avons tiré à peine deux ou trois, ce qui fait que ce taureau est extrêmement rare. Une semaine après, il revient et il demande une nouvelle pierre; il reprend son taureau au lavis et à la plume; il recommence le 18. Troisième état, le taureau est repris au grattage à plat, puis à la plume en accentuant fortement les volumes; le taureau est devenu un animal terrible avec des cornes et des yeux effroyables. Bon, ça n'allait pas, Picasso éxécute un quatrième état, le 22 décembre, et un cinquième, le 24; à chaque fois il simplifie le dessin qui devient de plus en plus géomètrique avec des aplats noirs.
Mourlot et Picasso
Pablo Picasso, Les 11 états successifs de la lithographie Le Taureau , 1945.

Sixième et septième états, les 26 et 28 décembre, puis, après le retour de Picasso, quatre autres états, onze en tout, les 5, 10 et 17 janvier. Le taureau est réduit à sa plus simple expression; quelques traits d'une maîtrise exceptionnelle qui symbolisent comme un jeu de signes ce malheureux taureau avec sa petite tête d'épingle et ses cornes ridicules en forme d'antenne. Les ouvriers se désolaient d'avoir vu un taureau aussi magnifique transformé en une espèce de fourmi...
... C'est Célestin qui a trouvé le mot de la fin : "Picasso, il a fini par là où, normalement, il aurait dû commencer." C'est vrai, seulement pour arriver à son taureau d'une seule ligne, il a fallu qu'il passe par tous les taureaux précédents. Et quand on voit son onzième taureau on ne peut s'imaginer le travail qu'il lui a demandé".
Fernand Mourlot, Gravés dans ma mémoire, Ed. Robert Laffont, 1979

Quand le 7ème art s'inspire de la tauromachie...

Dans son livre,  Le cinéma dans l'arène, Max Brunel rappelle cette réalité. Les différentes formes de la tauromachie ont inspiré les premiers sujets des   « cinéastes avides de sensationnel ». L'arène comme lieu de prédilection, théâtre d'un combat aux multiples connotations et donc largement reproduit à l'écran.

L'auteur remonte ainsi le temps et donne des détails savoureux, rapportés des tournages des films taurins qui ont marqué l'histoire. Un travail de documentaliste mélangé à des   « souvenirs personnels » croustillants.   On y apprend, par exemple, comment Louis Feuillade concocta la première version de   Mireille, qui ne fût jamais projetée. Ou encore comment

Francis San Juan devint conseiller technique sur   Chien de pique, tourné à Vauvert, puis du film   D'où viens-tu Johnny ?, où il mena une bandido avec Johnny Hallyday.   « Un exercice nouveau pour le rocker, celui de terrasser un 'novillo' qui n'a rien d'un agneau », raconte Max Brunel, avant de donner la parole au chanteur, sous forme de confidence prise à chaud :   « J'ai failli abandonner car, un moment, je ne parvenais plus à tenir les cornes du taureau. Je sentais son souffle sur le visage et mes forces faiblissaient... »

L'ouvrage fait la part belle à toutes les formes de la tauromachie traitées sur le grand écran. Dans tous les cas   , « le taureau reste roi et l'homme prouve son courage », écrit-il, fidèle aux idées de Feuillade et balayant ainsi à son tour   « l'antagonisme entre corrida et course libre ». Les 127 pages défilent, agrémentées par des dessins de Régine Cerda et des reproductions d'affiches de cinéma.

Un livre dans lequel on retrouve la passion de son auteur pour le 7e art et les histoires locales. À découvrir.

Pourquoi les taureaux voient rouge?

La corrida, c’est un peu comme la religion, la peine de mort et les radars automatiques : tout le monde a un avis, et lorsque tout le monde le partage, ça crée parfois des étincelles (sauf peut-être sur les radars, là il y a un certain consensus…).

Je me suis toujours demandé ce qu’il se passerait si un jour, un taureau au lieu de charger le matador s’allongeait dans le sable de l’arène et entamait une sieste… Ou pire, si à la manière d’un jeune chiot, il se mettait sur le dos en remuant les pattes… Est-ce qu’il provoquerait la pitié du public ? Est-ce que celui-ci réclamerait tout de même sa dose d’hémoglobine ?

Cela n’est jamais arrivé, et je croyais, comme tout monde, que c’était surtout parce que le taureau est excité par la couleur rouge de la muleta, ce petit tissu avec lequel le matador effectue ses passes. Et bien non ! Le taureau, à l’instar de la majorité des mammifères, ne distingue pas les couleurs et confond par exemple le noir et le rouge. En effet, les rétines du taureau sont composées majoritairement de bâtonnets, une famille de cellules sensibles à la lumière (photorécepteurs). Or, les bâtonnets contiennent tous le même pigment dont le maximum d’absorption est situé entre le vert et le bleu. Pourquoi, dans ces conditions, agiter une muleta chatoyante et habiller le matador de couleurs resplandissantes?!

La réponse est dans la question : c’est pour le spectacle, pour le show, tout simplement. Pour que le public frissonne un peu plus. Non, ce qui énerve le taureau, ce n’est donc pas cette couleur rouge dont il n’a même pas conscience, mais plutôt les mouvements brusques et les cris du matador et du public.

Les taureaux espagnols interdits de télé : censure ou bon sens?

C'est surprenant au pays de la tauromachie, le patron de la télévision publique espagnole, Alberto Oliart, vient de décider devant la commission de contrôle de la RTVE que les corridas ne seraient plus retransmises dorénavant sur le petit écran. Certains crient au scandale et la censure. D'autres applaudissent des deux mains.
Et vous qu'en pensez-vous? Votre avis m'intéresse.
Quelle n'a pas été ma surprise en écoutant FIP ce week-end (la station radio fête ses 40 ans) que les corridas n'étaient plus les bien venues sur les chaines publiques de la télévision espagnole du groupe TVE. Les corridas ne sont plus considérées comme un contenu audiovisuel digne de ce nom pour Television Espanola.  Une décision qui figure dans la nouvelle charte de l'entreprise publique présentée ce début d'année 2011 par son président, Alberto Oliart, devant la Commission de Contrôle de la RTVE. Les courses de taureaux figurent désormais au chapitre des "questions sensibles" au même titre que le terrorisme, la violence faite au femme, le racisme et la xénophobie ou la drogue...
tauromachie libre de droits.bmpUne décision prise officiellement pour ne pas heurter les jeunes téléspectateurs. Economiquement, ces émissions étaient de moins en moins regardées avec une audience en chute libre et des coûts de tournage en extérieur très élevés.
Déjà les réactions sont nombreuses entre les pro et anti-corridas dans un pays où cette tradition du combat entre l'homme et le taureau remonte à la préhistoire. Certains applaudissent des deux mains d'autres crient à la censure. 
Une chose est certaine, les anti-corridas gagnent du terrain. Après les Iles Canaries, la Catalogne, a ce 28 juillet 2010 interdit à une courte majorité, les corridas sur son territoire. Décision qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2012. Rien qu'à Barcelone on compte deux superbes "plazas de torros".Une situation paradoxale. De l'autre côté des Pyrénées les aficionados des taureaux gagnent du terrain notamment dans le sud-ouest comme par exemple à Dax ou Bayonne ou dans le sud-est de la France à Nîmes. Allez comprendre? Les toreros espagnols iront encore plus nombreux dans l'Hexagone.